Des start-ups américaines veulent révolutionner le doublage, en y incluant les prouesses de l’intelligence artificielle. Authenticité, accès universel aux oeuvres: de nombreux enjeux, et d’importantes craintes, accompagnent cette technologie naissante.

Dans le cinéma ou les séries, le doublage est essentiel, au même titre que les sous-titres, pour faire rayonner une œuvre au-delà de son territoire linguistique. On l’a vu avec la série française Lupin, qui a cartonné aux États-Unis, et plus récemment avec le phénomène coréen Squid Game, disponibles sur Netflix. Le doublage garantit l’exportation de ces oeuvres, complété par la fonction des sous-titres.

Aux États-Unis, de nombreuses start-ups veulent révolutionner le domaine en utilisant l’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique, explique le Washington Post.

Un système automatisé

L’apprentissage automatique consiste à intégrer un certain nombre de données dans une intelligence artificielle, et de la laisser trouver, de manière autonome, la meilleure façon de les traiter.

Dans ce cas précis « d’auto-doublage », un acteur spécialisé dans le doublage serait engagé à parler quelques minutes dans son propre langage, donnant ainsi une base de travail à la machine. Cette dernière va alors apprendre à reproduire la voix, en faire des phrases, puis l’adapterait à un script avant d’inclure le tout au sein d’un film ou d’une série.

Contrairement au procédé traditionnel, où les acteurs énoncent chaque ligne de script, et prenant plusieurs mois de travail, ce processus, décrit par le Post, ne devrait durer que quelques semaines.

Une révolution qui suscite des inquiétudes

Et il est en passe d’être officiellement utilisé. La start-up deepdub, qui s’est spécialisée dans ce secteur, va le concrétiser, avec le thriller anglophone Every Time I Die, qu’elle a « doublé » entièrement grâce à l’intelligence artificielle en espagnol et portugais.

Le doublage grâce à l’intelligence artificielle a principalement une vocation de traduction universelle, où la barrière de la langue ne serait plus un problème pour visionner des contenus. Au-delà de ce concept, la question de l’authenticité reste toutefois entre les lignes. Ces voix « automatisées » inspirent d’ailleurs des inquiétudes:

« Si tout ce que vous écoutez est doublé, vous perdez toute la phonétique, la transmission, l’empathie. La façon dont on regarde le monde peut devenir monocorde », regrette Siva Reddy, professeur de linguistique et d’informatique à l’université américaine McGill, interrogée par nos confrères.

Des intérêts divers en fonction des pays

Cet « auto-doublage » n’en est encore qu’à ses balbutiements, et est donc voué à se perfectionner. Si de plus en plus de start-up s’y intéressent, certaines préfèrent garder du recul, à l’instar de Papercup, qui propose déjà ses services aux chaînes américaines Discovery et Sky.

“Je pense qu’entendre des pensées et des concepts que nous n’aurions jamais entendus est bien plus bénéfique qu’être limité par notre propre langage », a déclaré son co- fondateur, Jesse Shemen, auprès du Washington Post.

« Mais nous devons rester honnêtes sur le rôle de la tech. Atteindre les niveaux de performances d’un humain n’est pas une tâche facile. Encore moins, celle de recréer les qualités d’un talentueux acteur de doublage », a-t-il continué.

Reste que l’utilisation de cette technologie pourrait permettre à des non-anglophones de visionner des oeuvres dans leur langue natale, et dont les doublages sont rares, voire inexistants.

Dans le contexte américain, cette invention n’a pas le même écho qu’en France, où les consommateurs de films et séries ont l’habitude des doublages. Lors des Oscars 2020, la récompense ultime accordée pour la toute première fois à un film étranger -et coréen-, Parasite de Bong Joon-ho avait relancé le débat sur le doublage et les sous-titres.

Victoria Beurnez (source bfmtv.com)